L’Angleterre a été frappée les 22 mars, 22 mai et 4 juin 2017 par trois attentats liés au terrorisme islamique. De nombreuses personnes sont décédées. D’autres sont blessées et garderont des séquelles, physiques ou psychologies, toute leur vie. Les journalistes tendent leurs micros aux musulmans (simples quidams ou représentants de communauté) et tous sont unanimes : ces terroristes n’ont rien à voir avec l’islam. L’islam est une religion de paix. Pourtant, les terroristes islamiques se réclament de la même religion, du même coran et du même prophète. Qui dit la vérité au sujet de l’islam ?
Je suis convaincu que nombre de musulmans sont pacifiques et souhaitent la paix. Mais les terroristes ne suivent-ils pas tout simplement l’exemple de Mahomet quand celui-ci a fait décapiter 600 hommes d’une tribu juive (Bataille du fossé selon Ibn Ishaq) ? Où lorsqu’il a levé des armées pour soumettre des peuples par la menace ou la force ? Les terroristes ne mettent-ils pas tout simplement en pratique les textes du coran et du hadith incitant à la violence physique envers des êtres humains ? Les discriminations et violences dont sont victimes les minorités dans les pays musulmans (p.ex. les Coptes d’Egypte) ne sont-elles pas un témoignage vivant de la réalité de l’islam ?
Je ne prétends pas répondre à ces questions, mais je constate que la méfiance augmente et que les musulmans ne devraient pas se borner à dire que l’islam est une religion de paix, mais donner des explications concernant les textes difficiles de l’islam.
Shafique Keshavjee, théologien, écrivain et conférencier suisse de renom, a exposé quelques-uns de ces textes dans un communiqué faisant suite à la votation sur l’interdiction des minarets en Suisse. Je prends la liberté de citer ces textes ci-dessous, car le travail de recherche, documentation et synthèse de Shafique est tout simplement remarquable.
Avertissement
Poser des questions aux musulmans (aux responsables des Centres islamiques et aux fidèles) sur les violences de leurs textes (et de certaines pratiques), ce n’est pas les placer devant un tribunal. Car eux aussi ont le droit de nous poser leurs propres questions difficiles sur nos violences ! Et celles-ci sont certainement tout aussi nombreuses !
Mise en perspective
Toute tradition (religieuse ou non) a ses lumières et ses obscurités. La tradition chrétienne a été violente dans le passé, peut-être plus que n’importe quelle autre. Et elle continue directement ou indirectement parfois à l’être (par exemple en échouant à convaincre des Etats à cesser d’exporter ses armes vers des dictatures, ou en étant incapable de limiter l’avidité de conquête de certains gouvernements ou de certaines multinationales). Elle a dû apprendre à rejeter ce qui, en son sein, a justifié un antijudaïsme meurtrier, les Croisades, la destruction d’autres cultures. Elle a dû apprendre aussi à refuser toute connivence avec un gouvernement voulant se servir d’elle pour justifier ses conquêtes politiques, militaires ou économiques. Ce fut un long travail, et il n’est jamais achevé.
Chaque tradition (religieuse ou non) doit faire ce travail d’épuration intérieure. Cela concerne aussi
bien les chrétiens, les juifs, les hindous, les bouddhistes, les athées… que les musulmans. Personne d’entre nous n’a choisi ce qui se trouve dans les textes fondateurs de sa religion (Torah, Coran, Bible, Bhagavad Gîtâ…). Mais nous avons tous la liberté et la responsabilité de limiter les effets négatifs d’une lecture littérale (ou traditionaliste) des textes problématiques qui s’y trouvent.
Lumières et obscurités au sein de l’islam
Dans le Coran et la Sunnah (somme des dires et actes de Mohammed permettant d’interpréter le Coran), il y a de très beaux textes. La tradition musulmane est porteuse de belles réalisations (religieuses, mystiques, scientifiques, architecturales…). Et les musulmans peuvent être fiers de ces réalisations. A travers les siècles en effet, la civilisation musulmane a souvent brillé de manière peu commune. On peut rappeler ici le rayonnement de Bagdad, notamment sous l’impulsion du calife al Ma’mun (786-833) et sa création de l’académie bayt al-hikma ou « maison de la sagesse » dans laquelle les œuvres des Grecs furent traduites et commentées avec compétence ; celui de Cordoue, capitale de l’Andalousie et occupée par les musulmans de 711 à 1236 qui abrita des géants de la pensée et de la mystique tels Ibn Rushd (Averroès, 1126-1198) ou Ibn Arabi (1165-1240) ; celui de Fatehpur Sikri où le souverain Akhbar (1542-1605) fonda l’ibadet khane, « la maison d’adoration », où musulmans, hindous, chrétiens et juifs étaient appelés à se rencontrer et à débattre.
A partir de cette confiance rétablie et reconnue, il est possible aux musulmans d’expliquer aux non musulmans comment ils comprennent et interprètent leurs textes problématiques (que parfois certains fidèles eux-mêmes ne connaissent pas). Il est primordial que les musulmans aussi, comme les fidèles d’autres traditions, se distancient clairement des paroles et actes de leur religion qui génèrent de la violence.
Quelques questions sur des textes qui font peur
Voici quelques textes qui font peur aux Suisses et qui nécessitent des clarifications:
- Un hadîth (propos de Mohammed) dit : « Celui qui change de religion, tuez-le ».
Il n’est pas acceptable que dans plusieurs pays du monde, et même en Suisse, des musulmans qui ont changé de religion aient été, ou soient, menacés de mort (et tués).
Question : Comment les musulmans comprennent-ils ce texte aujourd’hui ?
- Dans la très belle prière de la Fatiha (Sourate 1), il est affirmé : « Dirige-nous dans la bonne voie : la voie de ceux que tu as favorisés de tes bienfaits, non de ceux qui ont démérité de ta grâce et des égarés». Cette prière est récitée 17 fois par jour par des centaines de millions de musulmans. Sur le plan mondial, c’est certainement le texte le plus souvent récité quotidiennement. Or le cheikh Boubakeur reconnaît que : « Tous les commentateurs affirment que par « ceux qui ont démérité de ta grâce » il faut entendre les Juifs et par « égarés » les chrétiens ».
Si ces commentaires continuent d’être validés, cela veut dire que les musulmans du monde entier (et donc de Suisse) sont encouragés à regarder tous les juifs et les chrétiens, non seulement du passé, mais aussi d’aujourd’hui, et de demain comme des personnes ayant « démérité » de la grâce de Dieu et des « égarés ». Chaque tradition religieuse a bien sûr le droit de développer sa propre compréhension de soi et des autres. Mais il est certain qu’un tel discours ne contribue pas à porter un regard différencié sur les autres croyants et qu’il ne favorisera pas une saine et respectueuse cohabitation.
Question : Comment les commentateurs (imams, docteurs de la Loi islamique…) interprètent-ils aujourd’hui cette Sourate ? Que disent-ils des juifs et des chrétiens ? Et que disent-ils des bahai’s qui ont une autre vision de la prophétie, des bouddhistes qui ne croient pas en un Dieu créateur et des athées qui refusent même toute idée de Dieu ?
- Dans le Coran il est écrit : « Telle sera la rétribution de ceux qui font la guerre contre Dieu et son Prophète, et de ceux qui exercent la violence sur la terre : ils seront tués ou crucifiés ou bien ils seront expulsés du pays » (Coran, 5/33). Le hadîth qui explicite ce texte rapporte comment Mohammed a mis en pratique cette parole à l’égard de voleurs de chamelles : « Le Prophète ordonna de faire chauffer des clous et, quand ils furent rougis, il leur fit brûler les yeux ; il leur fit aussi couper les mains et les pieds sans cautériser les On les jeta ensuite dans la Harra ; ils demandèrent vainement à boire ; on les laissa mourir sans les abreuver ».
Dans certains pays se référant à l’islam, des châtiments corporels continuent d’être pratiqués.
Question : Comment les musulmans se situent-ils face à ce geste de Mohammed ?
- Dans le Coran il est écrit « N’engagez les controverses avec les hommes des Ecritures que de la manière la plus honnête » (Sourate 29/45). Cette parole est souvent citée dans les dialogues interreligieux par les partenaires musulmans. Or le hadîth qui explicite cette parole montre comment Mohammed avait interpellé des Juifs en disant : « O troupe de Juifs, faites-vous musulmans et vous serez sauvés ». Face à leur refus, Mohammed les a menacés d’expulsion, voire d’expropriation.
Il serait inacceptable que le sens d’échanger de « la manière la plus honnête » veuille dire implicitement appeler à devenir musulmans ou pousser à l’expulsion.
Question : Comment les musulmans d’aujourd’hui comprennent-ils et appliquent-ils ce hadîth ?
- Dans quelques hadîths on voit Mohammed faire lapider des personnes ayant commis l’adultère. Il fit même lapider des juifs en leur imposant une lecture rigoriste de leurs propres textes qu’eux-mêmes ne voulaient pas appliquer. « Le Prophète ordonna de lapider les deux coupables [juifs] ce qui fut fait ; et je vis l’homme cherchant à préserver la femme de pierres ».
Sur la scène internationale, régulièrement des histoires de lapidations (très peu heureusement) sont rapportées. Lorsqu’un imam en Suisse défend publiquement cette lapidation, cela suscite des réactions légitimes d’indignation. Et cela d’autant plus que Jésus face à une situation similaire a eu une réaction fort différente (cf. Evangile de Jean 8/7)23.
Question : Dans ce hadîth, Mohammed s’est ingéré comme juge dans la législation d’une autre communauté que la sienne, à savoir ici celle des juifs de son temps. Les responsables des centres islamiques peuvent-ils d’une voix commune affirmer aujourd’hui aux Suisses (et aux Européens) que cette lapidation est une réalité à bannir (et pas seulement une réalité sur laquelle il faut demander « un moratoire »), et cela, même si cette lapidation est prescrite dans les textes fondateurs de l’islam ? Et sont-ils prêts à reconnaître que toute ingérence musulmane dans une législation autre que la leur est dorénavant à exclure ?
- Dans les hadîths sur les femmes, une belle parole de Mohammed dit : « Le meilleur croyant est celuiqui jouit des bons caractères et qui traite bien les femmes ». D’autres par contre affirment : « Si une femme passe la nuit séparée de son mari (et ne répond pas à son invitation de coïter), les anges la maudissent jusqu’au matin ». Ou encore : « Si un homme appelle sa femme pour satisfaire un de ses besoins, elle doit répondre à sa demande même si elle prépare le pain auprès d’un four ».
La domination de l’homme sur la femme est pratiquée dans tous les continents. Même en Suisse. Mais il nous faut nous y opposer de toutes nos forces.
Question : Comment les imams de Suisse commentent-ils ces hadîths ? Et comment s’opposent-ils aujourd’hui à la domination de l’homme sur la femme ?
- Un autre hadîth est parfois cité : « Le Prophète Mohammed a dit : L’islam domine et ne sera pas dominé ». Dans la plupart des pays où les musulmans sont devenus majoritaires, il est le plus souvent très difficile à des non-musulmans d’accéder à des positions de pouvoir (cf. par exemple les Coptes en Egypte).
La situation des « dhimmis » (littéralement des « protégés ») comme citoyens de seconde zone est incompatible avec une vision moderne de la démocratie.
Question : Les musulmans sont-ils prêts à rejeter tous ces textes sur la dhimmitude ?
- Une parole du Coran affirme : « Dieu ne permettra pas aux mécréants de l’emporter sur les croyants » (4/141). A partir de cette parole, et d’autres (2/221 ; 60/10), le droit musulman a clairement réglementé les conditions du Ainsi, selon le droit sunnite, un musulman peut épouser une non-musulmane juive ou chrétienne (ce que le droit chiite interdit). Mais il est interdit à un non-musulman juif ou chrétien d’épouser une musulmane. Pour ce faire, il doit préalablement se convertir à l’islam.
Cela est vrai en Suisse (et partout dans le monde). Chaque communauté religieuse peut décider des critères et restrictions de mariage. Mais il n’est pas acceptable qu’une lente islamisation de la Suisse (et de l’Europe) s’opère par ce droit de la famille discriminatoire.
Question : Certains imams (tel Soheib Bencheikh) sont prêts à réinterpréter la tradition musulmane dans un sens non-discriminatoire. Selon eux, un non-musulman peut épouser une musulmane -sans être poussé à la conversion- s’il respecte la foi de son épouse. Quel est le discours actuel dans les Centres islamiques de Suisse ?
Différentes réponses musulmanes à ces questions
De nombreux musulmans ont déjà reconnu ces difficultés et y ont apporté leurs réponses. Ainsi, Mohamed Charfi dans son livre Islam et liberté. Le malentendu historique, a pu écrire :
« (…) nulle part ailleurs que dans le monde musulman, le fanatisme religieux n’a fait, ces dernières années, autant de victimes (p. 7). (…) la charia brille par son antiféminisme, son droit pénal inhumain et les atteintes que ses règles portent à la liberté de conscience (p. 67). (…) Dieu n’est pas fanatique, mais les uléma d’hier, comme les uléma et les intégristes d’aujourd’hui le sont. (…) Les juifs et les chrétiens ont abandonné cette règle honteuse [liberté à sens unique : liberté d’entrer dans leur religion, interdiction d’en sortir]. L’islam ne l’a pas abandonnée, à cause des théologiens et des intégristes (p. 79) »
Bien d’autres musulmans ont aussi osé critiquer ces textes sombres et prendre distance. Certains en allant jusqu’à quitter l’islam comme Ibn Warraq, d’autres comme Abdelwahab Meddeb en mettant en évidence ce qui est « malade » dans l’islam, et d’autres finalement comme Mohammed Arkoun, Muhammad Saïd al-Ashmawy, Rachid Benzine, Soheib Bencheikh, Ghaleb Bencheikh, Hamadi Redissi, Hechmi Dhaoui ou Fouad Zakariya, en proposant un islam épuré, repensé, plus ou moins « modernisé ».
La difficulté, c’est que d’une part ces voix « modernes » ne sont guère exprimées en Suisse. Et que d’autre part ces critiques d’intellectuels musulmans, selon les dires d’un imam de la région lausannoise, ont souvent peu d’effets dans les Centres islamiques dans lesquels un islam plus traditionnel et culturel est vécu et enseigné. (Les Suisses doivent aussi se souvenir qu’il leur a fallu plusieurs siècles pour limiter les excès de leurs propres confessions et que ces transformations en profondeur prennent du temps).
Il n’appartient pas aux Suisses, bien évidemment, d’imposer aux musulmans une lecture particulière du Coran et des hadîths. Mais pour que l’intégration se passe au mieux, les Suisses ont besoin d’être rassurés sur la compatibilité de l’islam enseigné dans les Centres islamiques avec la Constitution helvétique. Si les musulmans veulent témoigner de l’apport constructif de leur religion à notre société, il est important qu’ils puissent répondre aux questions difficiles posées dans ce texte.
Tous les détails et références se trouvent dans le communiqué de Shafique, à partir de la page n°5.
Be the first to comment on "Les textes difficiles de l’islam qui demandent des explications"